Martin Hubacher, un chevalier hospitalier à la cave
Johanniterkeller, Martin Hubacher, Twann, Lac de Bienne, Suisse
Laurent Probst | 27 octobre 2014
Martin Hubacher est sans aucun doute le vigneron le plus connu de l'appellation. Il nous a reçu longuement dans sa cave de Twann. Un moment empreint d'une franchise et d'une honneteté rares, et aussi d'humour et de gravité.
Les débuts ont été durs. Sa formation à peine terminée à Changins (Ecole d'oenologie), Martin Hubacher se voit contraint de reprendre le domaine suite au décès inattendu de son père, un homme encore jeune. Une lourde charge et beaucoup de responsabilités pour un jeune homme qui n'y était pas encore préparé.
De son premier millésime -1994, il en garde un souvenir désormais amusé. "ça a été une véritable catastrophe. Les vins étaient mauvais et j'en étais le seul responsable (il nous a confié avoir sur-extraits les matières et les tanins étaient durs). Mais les clients m'ont pardonné et sont revenus dès l'année suivante".
Aujourd'hui, la clientèle privée représente soixante pour cent des ventes. La restauration régionale et nationale trente pour cent, et deux vendeurs en suisse alémanique vendent le dix pour cent restant. Un équilibre difficillement acquis, mais qui satisfait le vigneron et auquel il tient, à juste titre.
Les vignes de la Johanniter Keller ont connu tout comme celles de l'ensemble de l'appellation le remaniement parcellaire de la décennie précédente. Un accouchement qualifié de difficile, mais pour lequel Martin Hubacher reconnait qu'il est profitable à tous. Ses six hectares et demi ont été profondément transformés. Le nombre de parcelles est passé de quarante à cinq ! Martin Hubacher se concentrant sur les spécialités principalement, et en nombre limité. Pour lui, la foison de cépages à laquelle est parvenue l'appellation est exagérée et il faut se concentrer sur les cépages les plus intéressants et qualitatifs. Il achète l'équivalent de deux hectares de vigne en raisin. Uniquement du pinot noir et du chasselas.
"Mon intention est de réaliser et de vendre des vins secs avec une belle acidité, dont les raisins vont bien sur nos terroirs et notre micro-climat du lac de Bienne". Martin Hubacher nous confie également réaliser des essais en biodynamie depuis peu.
Des intentions qui se confirment lorsque nous quittons les bancs où nous discutions pour nous installer au "bar" pour débuter la dégustation.
Le Chasselas 2013 est un vin de pays. Martin Hubacher a acheté des raisins auprès de vignerons genevois suite à la grêle de l'an passé. C'est un vin de soif dans le meilleur sens du terme, car il est délicat, gourmand et frais.
Les pinots, blanc et gris sont fins, précis, purs et élégants. Tout jeune, le pinot gris 2013 demandera un peu de temps. Le pinot blanc en demandera lui aussi. Il a connu un élevage en barrique de 2 et 3e passage, mais son boisé est déjà intégré. Il lui apporte un supplément de structure.
Le chardonnay 2013 a précisément ce corps ciselé dont parlait le vigneron peu avant. La bouche est d'une grande finesse. La qualité de l'élevage en barrique (de courte durée, huit mois seulement et d'un apport modéré de fûts de chêne neufs : 30 %) imprime un caractère très noble à ce vin dynamique.
Mon coup de coeur à titre personnel. Le sauvignon blanc est typé. Son fruité caractéristique avec des notes de buis, de bourgeon de cassis n'est pas explosif. La bouche est vive mais équilibrée. Un vin parfait à marier avec des fruits de mer.
Parmi les vins rouges, nous dégusterons trois pinots noirs. J'avoue avoir eu un second coup de coeur avec la cuvée "classique", parfaitement dans le ton du pinot noir que je connais et apprécie dans la région
Le pinot noir Réseve 2012 est un vin plus "sérieux", que l'on n'ouvre pas tous les jours. Complexe au nez avec des notes bien mûres de sureau, de cassis et de mûre, il offre en bouche une belle densité, et fait montre d'une qualité de tanins exemplaire. Les ceps sont plus âgés, les clones sont de Cortaillod et aussi bourguignons.
La troisième cuvée s'appelle BeNe. C'est l'abréviation de Berne et Neuchâtel. Elle est réalisée en partenariat avec Lucas Hasler qui a des vignes de pinot noir au Landeron (la seule commune neuchâteloise faisant face au lac de Bienne). C'est un vin de pays de la région des Trois Lacs. On monte encore en qualité. Le toucher de bouche est tout simplement remarquable.
Nous dégusterons encore un chardonnay barrique 2008, un original St-Laurent 2009 et un gamaret 2004 pour avoir une impression plus complète du style des vins réalisés par ce vigneron talentueux et attachant.